La disparition forcée est une pratique du terrorisme d’État : la police colombienne a fait disparaitre des centaines de personnes en un mois
Par Cecilia Zamudio
L’artiste colombien Cizañero
a réalisé ce dessin suite à l’apparition, dans un sac, de la
tête coupée d’un jeune homme que la police colombienne avait fait
disparaitre il y a quelques jours. Plusieurs corps de
manifestants qui ont été arrêtés -et que la police colombienne a
fait disparaitre- ont commencé à apparaître, flottant sur les
rivières de Colombie et dans des fosses clandestines. La
Colombie subit une brutale répression d’État. Le peuple
colombien est en grève générale depuis plus d’un mois au niveau
national, pour protester contre l’exploitation et le pillage
capitalistes. Une grève que la classe bourgeoise et le
capitalisme transnational prétendent stopper par la répression
exercée par l’État colombien. La police procède à des
milliers d’arrestations pour tenter d’étouffer la contestation
sociale. Les forces répressives capturent les manifestants et
vont même dans les maisons pour kidnapper les jeunes : ou pour
les poursuivre en justice sous les montages judiciaires réitérés
que l’État colombien utilise pour réprimer la contestation, ou
pour les faire disparaître.
Les
organismes de défense des droits de l’homme déclarent qu’il est
très important que les personnes arrêtées tentent de crier leurs
noms et prénoms et que le voisinage s’efforce de filmer les faits,
pour tenter d’éviter que les personnes kidnappées par la police
ne soient victimes du crime d’État de disparition forcée. Les
personnes que la police a fait disparaitre depuis plus d’un mois de
grève générale sont signalées par centaines (Le bureau du
Défenseur a signalé 548 personnes disparues au niveau national au
7 mai, l’Unité de recherche a signalé 379 personnes
disparues pour la période allant du 28 avril au 7 mai. Rien
qu’à Cali, Les organismes de défense des droits de l’homme
signalent 206 personnes disparues entre le 28 avril et le
20 mai). Parmi les certaines de personnes kidnappées par
la police, la plupart restent « disparues » et quelques
corps sans vie ont été retrouvés. Les corps de deux jeunes
garçons enlevés par la police le 28 avril sont apparus au
début du mois de mai flottant sur la rivière Cauca ; en mai
est également apparu le corps sans vie d’un leader paysan et le
corps de l’institutrice et syndicaliste Beatriz Moreno Mosquera,
avec des signes de torture. D’autres corps de manifestants
torturés sont également apparus, flottant sur les rivières,
certains dans des fosses et d’autres démembrés dans des sacs,
comme le montrent les vidéos et les photographies que la population,
enregistre, horrifiée.
La
disparition forcée est une pratique du terrorisme d’État que les
forces répressives de l’État colombien emploient intensivement
contre la population depuis des décennies, et qu’elles emploient
avec un acharnement particulier pendant cette grève générale :
Cette pratique sème la terreur et dévaste les familles et les
communautés.
Le
peuple colombien exige que l’État colombien rende les centaines de
personnes disparues : ceux qu’il détient encore vivants dans
les commissariats, bataillons militaires, entrepôts ou maisons
clandestines de la police, qu’il les rende, et que cesse la
barbarie policière de la disparition forcée. Les personnes que
la police a enterrées dans des fosses communes et jetées dans les
rivières continueront d’être recherchées et réclamées
inlassablement par leurs familles, leurs communautés, et par tout un
pays qui ne va pas permettre "la disparition des disparus". Ils
nous les ont arrachés parce que c’étaient des personnes dignes
qui se sont battues pour toutes et pour tous, nous ne permettrons pas
que leurs noms soient oubliés, et encore moins que leur lutte
s’éteigne. Le terrorisme d’État ne réussira pas à faire
taire la lutte sociale d’un peuple lassé de l’exploitation, de
la précarité et du pillage capitaliste. La Colombie pleure, la
Colombie souffre, mais ne se rend pas.
Les
forces répressives de l’État colombien, déchaînées pour
étouffer la contestation sociale par le sang et l’extermination,
interviennent même sans porter d’insigne, tirant sur la population
avec des 9 millimètres et des fusils de guerre, lançant des
lacrymogènes périmés (ce qui les transforme en poison mortel) même
directement contre les petites maisons des quartiers ouvriers,
blessant et assassinant. La police continue chaque jour et
chaque nuit à kidnapper des garçons pour les faire
disparaître. Elle est allée jusqu’à transformer un centre
commercial, à Calipso, en centre policier de tortures (l’entrepôt
Éxito, propriété du groupe capitaliste français Casino et de la
bourgeoisie colombienne). Le terrorisme d’État en Colombie
assassine la population pour avoir protesté contre la violence
structurelle qui jette des millions de personnes dans
l’appauvrissement le plus cruel, pour qu’une poignée de
multinationales et d’exploiteurs locaux accroissent leurs
fortunes. L’or que la bourgeoisie internationale et
colombienne mange dans ses assiettes "exquises" porte
incrustés la douleur et le sang de tout un peuple.
Malgré
la répression brutale déclenchée par l’État colombien à
travers ses instruments policiers, militaires, para-policiers et
paramilitaires, à plus d’un mois de grève générale au niveau
national en Colombie, les mobilisations se poursuivent
massivement. La classe ouvrière, qui en a assez de
l’exploitation, refuse le paquet de privatisations du gouvernement
de Duque, qui prétend accroitre la privatisation des retraites, de
l’éducation, de la santé, refuse également une "réforme du
travail" qui va entraîner une nouvelle réduction des droits du
travail, refuse une "réforme fiscale" qui vise à
augmenter les impôts sur la classe ouvrière, tout en accordant des
exonérations d’impôts aux multinationales et à la
bourgeoisie. Le peuple exige que cesse la précarisation de ses
conditions de vie, que cesse la persécution politique de la part de
l’État, que cessent les pulvérisations au Glyphosate, le
Fracking, les concessions aux multinationales minières qui dévastent
montagnes et rivières, etc. Les raisons de la mobilisation sont
très profondes et percutantes : c’est ce qui explique la
durée de la grève générale et la résistance populaire malgré la
répression colossale.
Le
régime colombien veut faire taire le peuple en l’assassinant et en
le faisant disparaître, en le calomniant et en lançant des
mensonges en rafale à travers les grands médias de désinformation
massive; il compte sur le silence complice et le travail
manipulateur des médias appartenant à la bourgeoisie locale et
transnationale. Même les réseaux sociaux rendent difficiles
les publications et censurent les vidéos qui témoignent de la
répression génocidaire et des raisons profondes de la grève, et en
plus l’État colombien bloque la liaison internet régulièrement.
Les
organisations internationales ne se sont prononcées que de manière
très limitée sur la répression meurtrière de l’État
colombien : parce c’est un État ami de l’impérialisme
étasunien et européen, qui possibilite le plus grand pillage des
ressources de la Colombie, précisément par le biais de
l’extermination. Ils prétendent étouffer le cri d’un
peuple. Mais ils n’y parviennent pas : le régime
génocidaire, au service du plus grand pillage capitaliste de la
Colombie, ne peut rien contre le peuple uni. Il ne parvient pas
à étouffer la grève, ni par le terrorisme d’État, ni par le
matraquage de mensonges.
Le
peuple colombien vient d’accomplir un mois de grève générale
nationale, avec beaucoup de solidarité entre la classe ouvrière,
avec beaucoup d’organisation et de courage. L’organisation
et solidarité de la classe ouvrière s’exprime dans les des
barrages de routes comme la Panaméricaine, les blocages de grands
ports comme le port de Buenaventura, les blocages des voies
d’extraction par lesquelles les multinationales acheminent les
immenses richesses de la Colombie vers leurs cargos de pillage (comme
dans la plus grande mine de charbon à ciel ouvert du monde, El
Cerrejón), la grève de camionneurs, les manifestations de masse,
les créations et ateliers artistiques, les ateliers productifs
populaires, les marchés paysans solidaires, les rencontres, les
assemblées, La Minga indigène, afro et paysanne, les marmites
communautaires, les « Mamás Capucha » (mamans cagoule),
les combats de rue pour défendre le droit de manifester contre les
assauts de la police, les brigades médicales, les brigades
pédagogiques, la première, deuxième et troisième lignes, etc.
La grève continue parce que la classe ouvrière exige des conditions
de vie décentes.
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Les
chiffres de la répression brutale déclenchée par l’État
colombien contre le peuple en grève générale :
•
Plus de 70 manifestants ont été assassinés par la police, l’ESMAD,
les militaires et les paramilitaires en coordination avec la police
en un mois. 52 manifestants assassinés par la police entre le
28 avril et le 20 mai, selon l’organisation Defender la
Libertad. Et plusieurs personnes assassinées par des agents
infiltrés de la police opérant sans uniforme, ou des policiers en
uniforme opérant en collaboration avec des paramilitaires.
• Des
centaines de personnes ont été victimes de disparition forcée, un
crime d’État contre l’humanité. Les personnes que la
police a fait disparaitre en un mois de grève générale sont
signalées par centaines. Le bureau du Défenseur a signalé 548
personnes disparues au niveau national jusqu’au 7 mai. L’Unité
de recherche, après avoir reçu les plaintes et compilations de 26
organisations sociales, a remis ses statistiques pour la période du
28 avril au 7 mai : 379 manifestants seraient portés
disparus jusqu’à cette date. Rien qu’à Cali, des
organisations de défense des droits humains tels que Les
« Rechercher Pour les Trouver » signalent 206 personnes
disparues entre le 28 avril et le 20 mai.
• Des
milliers de personnes ont été blessées par les actions de la
police et d’autres forces répressives. Des dizaines de
personnes ont eu leurs yeux mutilées par la police (Temblores a
signalé 39 victimes de lésions oculaires au 20 mai).
• Au
moins 21 femmes victimes de violences sexuelles commises par la
police. On a seulement connaissance des cas qui ont pu être
signalés (rapport de l’organisation de défense des droits de
l’homme Temblores, au 20 mai).
• Des
milliers de personnes sont détenues, en grande partie par des
procédures arbitraires, et soumises à la torture et à des
traitements cruels et inhumains.
• 2905
cas de violences policières entre le 28 avril et le 20 mai
(Temblores).
• De
même, la poursuite de l’Extermination perpétrée par les forces
répressives (officiers et para-officiers) contre les organisations
sociales, s’est poursuivie pendant la grève : entre le
28 avril et le 18 mai, 9 leaders sociaux ont été
assassinés et 2 anciens guérilleros des Farc qui avaient participé
à l'"Accord de paix"). De plus, 9 personnes ont été
massacrées par les forces répréssives, le 31 mai à Algeciras,
Huila, dans une ferme appartenant à la famille d’un ex-guérillero
des farc. Un génocide planifié depuis les plus hautes sphères,
suit son cours.
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Début
juin 2021: chronique d’une grève générale historique et de la
répression déclenchée contre elle par un régime qui fait perdurer
le plus grand pillage capitaliste de la Colombie, précisément par
l’Extermination.
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VIDEOS : quelques-unes des terribles images des personnes
disparues, torturées et assassinées par la police
colombienne. Merci aux pages de médias alternatifs de
télécharger les vidéos et les charger à nouveau sur leurs pages,
pour essayer de briser la censure qui couvre l’extermination.
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Texte original écrit en espagnol, traduction pour ce texte par Rose Marie Lou
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Blog:
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